Dans le Nord, les contes ont pour fonction notamment d’utiliser le récit mythique pour expliquer les faits et événements sociaux comme la naissance, les catastrophes naturelles ou la mort, ou pour établir des règles sociales. Ainsi par exemple, l’on utilise le mot « velo » (vivant) lorsque quelqu’un éternue. Ce mot des dialectes Antakarana issues d’Anjoaty a légèrement évolué pour devenir « velogno » avec notamment l’influence de dialectes de toute la région du Nord, en particulier le Tsimihety, le Betsimisaraka et le Sakalava.

Il est aussi utilisé au Nord-Est plus particulièrement dans la région de SAVA (Sambava, Antalaha, Vohemar et Andapa), avec la même signification. Dans l’imaginaire collectif de ces dialectes, si une personne éternue c’est parce qu’il y a des gens ailleurs qui parlent d’elle. La fonction de l’expression « velogno » permet ainsi d’assurer que la personne qui éternue est bien vivante et que tout va bien. Celle-ci y répond alors « atsika jiaby » (nous tous), une forme de rétro-souhait.

Voici le conte qui nous raconte pourquoi on enterre les morts et pourquoi on dit « velo » lorsqu’on éternue ? Il nous est rapporté par Dandouau pp 92,93, (Cité par Robert Jaovelo-Dzao, Mythes, rites et transes à Madagascar : angano, joro et tromba Sakalava)

© Ulule
© Ulule

Autrefois, dit-on, lorsque Zagnahary eut créé le monde, il décida d’y mettre un homme. Il en fabriqua un de toutes pièces, lui donna le nom de Velo (il vit, il est vivant), l’apporta lui-même sur la terre et l’y laissa.

Au bout de quelque temps Velo, qui avait parcouru en tous sens le coin de terre, où Zagnahary l’avait abandonné, s’ennuya d’être seul et remonta vers son Créateur.

–  Koezy, ô Zagnahary, salut créateur ! Dit-il, je vous remercie de m’avoir créé et déposé sur la terre. La vie y est douce et facile, la nourriture abondante et variée, mais j’y suis tout seul, je n’ai personne avec qui causer. Je m’y ennuie beaucoup et je voudrais bien que vous me donniez des compagnons.
–  Cela est facile, dit Zagnahary, et je vais t’en donner dont tu seras le roi. Descends sur terre et, avec ta fitetika (hache), taille dans des troncs d’arbres des sarin’olo (image d’homme) semblables à toi.

Velo (vivant) redescendit, exécuta l’ordre de Zagnahary, mais ses statues étaient inanimées et il ne pouvait converser avec elles. Il remonta vers le Ciel.

–  Koezy, Zagnahary, dit-il, ce que vous m’avez commandé de faire est terminé, mais les sarin’olo ne marchent pas, ne parlent pas, et je suis aussi seul qu’auparavant. Donnez-leur la vie comme vous me l’avez donnée.

Zagnahary répondit :

–  Je veux bien animer ces sarin’olo qui constitueront tes sujets. Prends cet aody (médicament) asperges-en tes morceaux de bois. Ils prendront vie et parleront.

Et Il continua :

–  De plus, voici pour toi-même, ma fille Atsihe (Atschoum) que je te donne pour femme. Tu vivras avec elle et tu en auras beaucoup d’enfants. Et les sarin’olo une fois vivants se marieront entrent eux. Leurs descendants croitront et se multiplieront sur la terre et deviendront aussi nombreux que les brins d’herbes dans les prairies.

Les paroles de Zagnahary se réalisèrent et les hommes devinrent très nombreux. Mais la terre se fâcha, car tout le monde déposait à sa surface toutes espèces d’ordures. Elle se plaignait à Zagnahary qui réunit tous les hommes en grand kabary. Il dit alors à la terre :

–  Puisque les hommes te salissent, il est juste qu’ils te donnent une indemnité et voici celle que je t’accorde. Lorsque quelqu’un mourra, on te le donnera, il sera ton bien, ta chose et tu l’avaleras, si cela te fait plaisir.

Tout le monde applaudit ces paroles et les trouva juste. C’est depuis lors que l’on enterre les morts.

Les rois et les reines sont les descendants d’Atsihe et de Velo. Lorsque quelqu’un éternue il incline sa tête et il dit : Atsihe ! ce qui veut dire qu’il se souvient de la première reine. Tous ceux qui sont à côtés de lui ne manquent pas d’ajouter : Velo ! Pour indiquer qu’il faut associer à son souvenir celui de son mari, le Premier Roi.

Voilà pourquoi les sakalava disent toujours « velo » lorsque quelqu’un éternue à côté d’eux.