À Madagascar, ONG, organisations de la société civile et populations réclament l’annulation du projet de sables minéraux Toliara. Les protestations ont pris de l’ampleur après la publication par la compagnie Base Resources d’une étude de préfaisabilité fin mars. Le gouvernement malgache fera-t-il passer les enjeux économiques avant le bien-être des populations ? Le verdict est attendu.

Des chiffres qui font rêver

Base Resources a publié fin mars dernier les résultats de l’étude de préfaisabilité du projet Toliara, qui prévoit des d’importantes retombées financières pour la compagnie et Madagascar. Le projet devrait être exploité sur 33 ans et produire 37,1 millions de tonnes de concentré de minéraux lourds (ilménite, rutile, zircon). Une fois pleinement opérationnelle, la mine pourrait générer pour la compagnie des revenus annuels de 254 millions $. En outre, l’étude prévoit un bénéfice avant intérêt impôt dépréciation et amortissement de 165 millions $ par an.

Pour l’État malgache, le projet devrait rapporter plus de 900 millions de dollars en termes d’impôts directs et redevances. Il pourrait contribuer annuellement à hauteur de plus de 200 millions $ au PIB de l’île. En dehors de ces chiffres qui font rêver, l’on parle également d’un potentiel de création de 3 800 emplois.

Selon les prévisions de Base Resources, une décision d’investissement sera prise au premier trimestre 2020 et le projet pourrait entre en production fin 2021.

Toliara Sands Project, Base Ressources © Investor Insight
Toliara Sands Project, Base Ressources © Investor Insight

Les protestations des communautés locales

La réalisation du rêve Toliara ne sera pas sans embûches. Avant la publication de l’étude de préfaisabilité par Base Resources et sa filiale Base Toliara, il y a eu plusieurs manifestations contre la réalisation du projet.

« C’est inacceptable qu’il y ait des étrangers, qui viennent chez nous pour piller notre richesse ! Cette terre, elle est à nous ! Quand le peuple malgache coupe les arbres, on lui tombe dessus en disant “ah non ! Protection de la forêt ! Fais attention, c’est pas bien !” Mais quand il y a des multinationales avec des bulldozers, la radioactivité, des déversements chimiques, là, plus rien ! Mais ils sont où les WWF, les Madagascar National Parks, et toutes les ONG internationales ?! C’est pas dangereux ça ?! », dénonce Théo Rakotovao, chanteur originaire de la zone impactée, relayé par RFI.

Cette déclaration à elle seule traduit les principales objections mises en avant par les détracteurs du projet. En premier lieu, les droits fonciers de la population locale. Le Collectif Tany, une association qui œuvre pour la défense des terres malgaches, a indiqué dans un communiqué ses craintes concernant les expropriations sur les terrains destinés aux sites d’extraction, à la route et au port.

«Les communes affectées par le projet Base Toliara n’ayant pas de guichet foncier, les habitants n’ont donc pas l’opportunité de demander ou d’obtenir un certificat foncier comme alternative. Cette situation ne doit pas amener les responsables à ignorer les droits fonciers des occupants qui sont dûment reconnus par la loi», a déclaré le Collectif et le Centre de Recherche et d’Appui pour les Alternatives de Développement – Océan Indien (CRAAD-OI).

Au-delà des problèmes fonciers, les organisations de la société civile et les ONG dénoncent également les impacts sociaux et environnementaux. Certains spécialistes ont souligné sur un projet similaire que le zircon, par exemple, s’accompagne souvent de traces de thorium et d’uranium radioactifs. Il n’en fallait pas plus pour susciter les craintes des populations et des protestations face à ces risques de pollution et de problèmes sur la santé.

Par ailleurs, Collectif Tany et CRAAD-OI appellent également à la mesure face aux chiffres présentés dans l’étude de préfaisabilité de Toliara. Face à l’excitation de ceux qui sont en faveur du développement du projet, ils mettent en avant les nombreux cas où les compagnies étrangères viennent exploiter les ressources en ne payant aux Etats que des «ristournes».

Toliara Sands Project, Base Ressources © Energies media
Toliara Sands Project, Base Ressources © Energies media

Rien de nouveau sous le soleil ?

L’inconnu pour le moment à Toliara est si le projet sera annulé comme le réclament ses détracteurs. Vers la fin du mois de mars, le ministre des Mines et des Ressources stratégiques, Fidiniavo Ravokatra a effectué un déplacement à Toliara pour constater de visu la réalité sur le terrain, concernant entre autres les éventuels impacts socio-environnementaux de l’implantation de ce projet sur la ville de Toliara et dans les districts environnants. Une décision est attendue dans les prochains jours de la part de l’État concernant la poursuite ou non des opérations à Toliara. Il faut indiquer à ce propos que le ministre malgache des Mines avait déjà indiqué que le projet Toliara est une priorité pour le pouvoir en place.

Les populations malgaches ne sont pas les seules à se plaindre que l’exploitation des ressources ne leur profite pas, dans tous les sens du terme. Dans d’autres pays du continent, on a assisté à des manifestations continuelles contre le développement de projets pour les mêmes raisons, lesquelles protestations ont finalement été écartées au profit des retombées économiques. La «malédiction des matières premières», que vivent plusieurs pays africains (Nigéria, RDC, Niger, etc.), touche également Madagascar.

 

L-N. K.